Un début d’année peut être propice à la mise en œuvre de bonnes intentions en entreprise, et notamment à des démarches de Qualité de Vie au Travail.
Ainsi, il peut être intéressant de mieux comprendre le phénomène de burn out
(ou épuisement professionnel), et notamment de s’interroger sur les facteurs de risques qui peuvent y mener, dans une démarche de prévention.
Une démarche de prévention apparaît d’autant plus importante à mettre en œuvre que ce phénomène toucherait, selon les emplois, entre 5 et 20% de la population active française (dans certaines professions, soignantes notamment, ce taux atteindrait même 50%). Par ailleurs, l’expérience montre, pour ce trouble, encore plus que pour beaucoup d’autres troubles liés au travail, que la personne une fois atteinte, même après un repos et des soins adaptés, peut voir perdurer une certaine fragilité, une sensibilité au stress plus importante qu’avant le burn out. Un burn out conduit souvent à une remise en question profonde et la personne touchée doit souvent revoir sa vie professionnelle dans son ensemble. Elle peut même parfois se sentir contrainte de quitter une fonction qui lui imposerait un rythme ou un stress trop soutenus, malgré toutes les précautions qu’elle peut prendre.
Un grand nombre d’auteurs et de professionnels s’accordent à dire que les fondements du burn out reposent autant sur des causes externes à l’individu, comme le contexte de travail, que sur des causes internes à l’individu, liées à sa personnalité, son éducation, les événements de vie plus ou moins stressants qu’il a pu vivre… Aussi, comme les risques psychosociaux de manière générale, le burn out est lui aussi à la charnière entre les caractéristiques individuelles et les caractéristiques du travail. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle le terme de « risque psychosocial » a été choisi, comme l’indique le rapport du Collège d’expertise sur le suivi des risques psychosociaux au travail (2011), qui fait référence dans ce domaine : « les RPS sont donc des risques pour la santé mentale, physique et sociale, engendrés par les conditions d’emploi et les facteurs organisationnels et relationnels susceptibles d’interagir avec le fonctionnement mental ».
Si certains traits de personnalité de la personne ou des événements de vie traumatisants par exemple peuvent jouer un rôle dans l’apparition du burn out, on peut également s’interroger sur les facteurs organisationnels qui peuvent y mener. Ainsi, prendre du recul de temps à autre sur l’évolution de ses conditions de travail, au niveau individuel, par le salarié, mais aussi au niveau collectif, par la Direction des Ressources Humaines, ou les managers, pourraient éviter des arrêts de travail très souvent longs et coûteux et un turn over important (car certains domaines d’activité, comme le conseil notamment, sont victimes d’un grand nombre de burn out).
Les grands facteurs de risques liés au travail
Un certain nombre d’auteurs, parmi lesquels Philippe Zawieja et Franck Guarnieri, mais aussi Christina Maslach, qui a contribué à la diffusion du concept de burn out dans les années 1980, ont pu regrouper ces facteurs en sept grandes catégories, chacune représentant une inadaptation particulière entre l’individu et son travail :
- la surcharge de travail, autant qualitative que quantitative ;
- le conflit de rôles (faire face à des demandes contradictoires, être confronté aux conflits entre vie professionnelle et vie familiale) et l’ambiguïté de rôle (avoir un profil de poste mal défini) ;
- le manque de contrôle sur son travail (la capacité à fixer les priorités dans son travail, la façon de le faire, la possibilité de prendre des décisions, etc.,) ;
- des récompenses insuffisantes ;
- l’absence de soutien social (de ses collègues comme de son supérieur hiérarchique) ;
- l’absence d’équité ;
- les conflits de valeurs (conflit entre les valeurs de l’individu et celles de l’organisation).
Face à ces facteurs de risques existants, quelles actions mettre en place, en terme de prévention ?
S’il existe des mesures de prévention anti-burn out possibles au niveau personnel (meilleure gestion de sa santé, de son sommeil, de ses émotions, de son temps de travail, etc .), c’est aussi à l’entreprise – de par ses obligations d’assurer la santé et la sécurité de ses salariés – de mettre en place une démarche efficace de prévention du burn out. Par ailleurs, s’ils sont diffus et difficiles à évaluer globalement, les coûts pour l’entreprise sont nombreux : perte de savoir-faire, désorganisation, difficulté à recruter pour des compétences pointues et spécifiques, coûts de formation de la nouvelle recrue, pression à l’augmentation des cotisations sociales, pertes en termes d’image et d’attractivité, prise en charge des frais si la responsabilité de l’employeur est engagée et prouvée, etc. Ainsi, une démarche globale d’évaluation des conditions de travail des salariés et des éventuels déséquilibres présents dans l’organisation permettra de comprendre où se trouvent les éventuels foyers de burn out à long terme et d’éviter son apparition. Cette évaluation sera bien évidemment suivie de l’élaboration d’un plan d’actions, suivi sur le long terme. De nouvelles évaluations annuelles permettront de suivre l’évolution des conditions de travail, car, en fonction des changements dans l’entreprise, de nouveaux foyers de burn out sont toujours susceptibles d’apparaître. Enfin, un groupe de travail, composé de la DRH, du médecin du travail, de membres des instances représentatives du personnel, de managers et salariés, notamment, peut également se réunir pour signaler et suivre les situations individuelles à risques de burn out et d’autres difficultés.
Nathalie Le Strat, psychologue du travail, consultante et formatrice en prévention des risques psychosociaux et Qualité de Vie au Travail, habilitée Intervenant en Prévention des Risques Professionnels (IPRP).